Frédéric LORDON nous montre la galaxie des enjeux des élections présidentielles de 2017 et de la candidature Mélenchon.

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Les élections présidentielles de 2012

Lordon: « Les prochaines élections… c’est une drôle d’affaire. Ça m’inspire des sentiments tout à fait mêlés, cette perspective électorale. Des sentiments très contradictoires. Les années passant, et ça fait un moment que j’ai arrêté de voter pour ce qui me concerne, j’en suis venu vraiment à considérer que la pantomime électorale dans le cadre des institutions de la 5ème République était une affaire nulle et non avenue. »

Mais 2017, c’est peut-être une toute autre chose ! « C’est une élection à nulle autre pareille » dit Lordon« Je pense que cette élection soulève des enjeux politiques d’une intensité qu’on n’a pas vue depuis 1981 (et peut-être même supérieure), et que par là d’ailleurs, elle s’annonce d’une redoutable violence. Alors, où sont localisés ces enjeux qui font la singularité, peut-être, de cette élection ? Pour l’instant, je vais essayer de rester aussi analytique que possible. Là où un enjeu surgit, c’est autour de la candidature de Mélenchon. »

« On peut avoir toutes les réserves du monde vis-à-vis de Mélenchon, ou de sa personnalité, ou de ses orientations politiques, mais il y a au moins une chose — si on regarde le paysage avec un tant soit peu de distance — qu’on ne peut pas ne pas reconnaître, c’est qu’il est porteur, pour la première fois depuis très longtemps, d’une différence significative de gauche dans le paysage de l’offre politique. Et ce n’est pas rien. »

(…)

Le paradoxe d’Épiménide appliqué aux médias.

Lordon: « Épiménide se pointe et dit ceci : « moi Épiménide, Crétois, je dis : « tous les Crétois sont des menteurs ». » Et puis il se taille.

Le paradoxe ! Car « si Épiménide n’a pas menti, alors tous les Crétois sont des menteurs, c’est vrai, donc tous les Crétois mentent. Donc Épiménide qui est Crétois ment aussi. Donc, s’il n’a pas menti, il a menti.

Mais s’il a menti, alors la proposition « tous les Crétois sont des menteurs » est un mensonge. Donc tous les Crétois disent la vérité. Et Épiménide, qui est Crétois, dit la vérité aussi. Donc s’il a menti, il a dit la vérité. » (…)

Lordon: « Et bien voilà, les médias sont dans un devenir « Épiménide ». Parce que les médias viennent et ils disent : « nous nous trompons ». Donc, s’ils ne se trompent pas, c’est qu’ils se trompent. Et s’ils se trompent, c’est qu’ils ne se trompent pas ! »

Hollande n’a pas trahi !

Lordon: « Sur cette histoire de Hollande et du hollandisme, j’ai toujours pensé que le lexique de la « trahison » était inadéquat. On a beaucoup dit : « Hollande a trahi. Il a trahi, il a trahi le discours du Bourget ! » Mais je ne pense pas qu’ils aient trahi en fait. Ma thèse, c’est plutôt qu’ils sont fidèles à eux-mêmes. Je complète la thèse : évidemment quand on remonte le fil des ans, il leur arrivait jadis de faire un petit truc de gauche, une verroterie par-ci par-là, mais en réalité depuis toujours, c’était des hommes de droite ; mais c’était des hommes de droite contrariés. »

« Ils étaient contrariés par une histoire, éventuellement quelques médias qui continuaient de les taquiner, mais ça fait très longtemps qu’ils sont de droite. Et simplement ce qui s’est passé, c’est que, les années s’écoulant, de plus en plus ils se sont déboutonnés et ils ont fini par envoyer toute contention à la rivière et sous Hollande, enfin, ils ont pu être eux-mêmes. Alors ça tu vois, il y a un effet de révélation très puissant. »

Le parti socialiste n’est plus de gauche >>> une évidence !

Après avoir lu un extrait d’un texte fait par Hollande il y a 30 ans, Lordon montre que cela fait très longtemps, que le Parti socialiste n’est plus de gauche, et date cet état de fait du milieu des années 80: « la matrice idéologique est formée » dit-il.

Pour avoir vécu l’époque de la rupture du Programme commun, et celle des attaques contre la Navale et la papeterie Chapelle d’Harblay (et même, en 1981 et 1982, les manœuvres de temporisation visant à rassurer les actionnaires, le temps que les actions des futures entreprises nationalisées remontent au dessus de leur valeur d’avant les élections; pour ensuite dire >>> « Pause », « désindexation des salaires sur les prix », « on n’a plus de sous » disait le gouvernement) je pense que cela date de bien avant.

« Prendre le pouvoir pour nous le rendre ! » (???)

Dans le programme de Mélenchon, il y a « prendre le pouvoir pour nous le rendre« : En 1981, une affiche de Mitterrand utilisait déjà la même expression ! « on attend toujours au bureau des objets trouvés » dit très justement Lordon !

Imaginer Mélenchon face à la direction du Trésor !

Lordon: « Il faut imaginer le ministre des finances de Mélenchon qui affronte la direction du Trésor et les inspecteurs des finances, c’est à dire toute une technostructure hostile » !!!

Voilà quelque chose d’extrêmement lucide ! Oui c’est très fort, car Bercy n’est-il pas le CŒUR DU CAPITALISME FRANÇAIS !!!

Pour lire en détail la retranscription de l’émission >>> voir sur le site de La-bas-si-j-y-suis