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N° 11: Éditorial

L’histoire est un enjeu !

Si nous consultons la bibliographie normande contemporaine, nous sommes frappés par les lacunes qu’elle comporte sur l’histoire des luttes sociales. De nombreux ouvrages ont paru pourtant sur les entreprises, la bourgeoisie, les biographies patronales. Mais qu’en est-il des affrontements revendicatifs et de ceux, de celles qui les ont animés? Sauf d’heureuses exceptions (Marcel Boivin, Jean Legoy, …) on dirait que le sujet fait peur.

Pourtant les archives départementales, municipales, conservent des centaines de rayons (que notre institut contribue à garnir), la presse des milliers de colonnes et de photographies. D’où vient ce manque?

L’histoire n’est pas un domaine réservé à une corporation, l’histoire ne saurait être désincarnée. Mais nous le constatons avec irritation parfois, tel n’est pas toujours le cas des ouvrages édités: c’est là sans doute, que réside la création de nombreux Instituts d’histoire sociale par les militants de la CGT. La source de cette démarche est que l’histoire est l’enjeu d’une bataille d’idées.

Cela dit, que l’on nous comprenne bien, la rigueur universitaire est nécessaire par ses méthodes, ses exigences et l’histoire critique que nous voulons écrire, si elle a l’ambition d’être reconnue, doit être rigoureuse, citer ses sources sans les trier à priori, déceler les évolutions, établir des comparaisons, mesurer le rôle des individus (hommes et femmes) qui y ont consacré tant d’heures et même subi la répression parfois.

A chaque moment, l’histoire est un enjeu. La preuve? Si vous demandez aujourd’hui à tous ceux qui lisent la presse véhiculant les idées dominantes et ne regardent que la télévision: « qu’est-ce que les évènements de mai 1968? », ils vous répondront: D’abord une révolte étudiante. Et pourtant ce fut avant tout la plus grande grève du 20e siècle (Joël Hedde, Cahiers IHS, n°78, p. 22)

Aujourd’hui, les patronats et leurs services des relations humaines (sic) financent des histoires d’entreprises qui ont pour but de valoriser (sous entendu: « on est les meilleurs ! »). C’est bien pourquoi, pour établir la vérité historique, les recherches des historiens de notre Institut doivent se poursuivre et être publiées.

Avec l’aide de notre organisation syndicale, grâce à une meilleure connaissance du passé et par la réflexion engendrée, cette démarche pourra être un outil pour l’action des militants d’aujourd’hui, plongés dans des luttes difficiles et complexes.

Pierre Largesse

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