Ecrire au fil rouge

Regards sur le Havre

Le Havre, une ville qui sent l’usine et qui sent la mer

Par Albert Perrot

1950 – 2000 Les mutations économiques et sociales

1960: Lancement aux Chantiers Augustin Normands du câblier Marcel Beufard - Col G. Betton

1944 – 1950 : Le Havre marqué par les destructions de la guerre

Au cours de la dernière guerre, Le Havre a souffert terriblement, subissant au total 132 bombardements. Mais les plus terribles et les plus destructeurs sont ceux des 5 et 6 septembre 1944 qui opèrent une destruction systématique de la ville et du port, bombardements effectués par les alliés, mal informés de la force réelle des troupes allemandes occupant Le Havre.

Le 5 septembre, 350 bombardiers déversent 5 000 tonnes de bombes sur la partie ouest de la ville, et le 6 septembre, c’est la partie est qui, à son tour, va subir de terribles bombardements.

Le Havre devient la ville la plus détruite de France. Elle n’est plus qu’un champ de ruines : destruction totale de 12 500 immeubles, 21 000 logements disparus sur 48 000, équipements portuaires détruits à 95 % dont 18 kilomètres de quais.

Ceux qui ont vécu ces jours terribles ne les oublieront jamais. Ils entendent les craquements sinistres des immeubles qui croulent sous des bombes meurtrières, le ronflement des avions Lancaster, Halifax, Mosquitos, qui, sans arrêt, pendant des heures, déversent leurs bombes ravageuses.

Ils ont, dans leurs yeux, la vision tragique de ces champs de ruines, de ces fumées noires et opaques qui obscurcissent le ciel, d’où s’échappent des jets de flammes rougeoyantes.

Le Havre, à ce moment, s’est transformé en enfer.

Le port n’est plus qu’un amas de ruines : quais, écluses, ponts, bâtiments, grues, outillage, sont détruits. Plus de 300 épaves sont coulées dans les bassins. C’est le résultat des destructions faites par les Allemands fin août 1944 et des bombardements de 1944. De nombreuses usines ont subi aussi d’importantes destructions au cours de la guerre et notamment lors des derniers bombardements.

Les chantiers Augustin Normand, installés sur le front de mer, sont pratiquement rayés de la carte.

Les Tréfileries et Laminoirs du Havre ont un certain nombre d’ateliers détruits.

La C.E.M., dans la nuit du 3 au 4 juin 1940, reçoit 50 bombes et obus provoquant la destruction d’ateliers notamment du plus important : le grand hall transformateur.

A la Libération, l’urgence pour les Havrais est d’assurer la vie, voire la survie dans cet immense champ de ruines en assurant au mieux la nourriture, l’eau, un minimum d’hygiène et un abri. L’hiver 1944, particulièrement rigoureux, sera terrible pour ces 80 000 Havrais qui n’ont plus de toit. On loge dans des caves, des greniers, des baraquements provisoires fabriqués à la hâte, des préfabriqués, souvent entassés.

C’est dans cet environnement dur et pénible à vivre que les havrais avec une énergie farouche, avec une volonté à toute épreuve, s’emploient d’abord à dégager les rues, les routes, à rétablir au mieux les voies de circulation, à déblayer les ruines en récupérant tous les matériaux qui peuvent servir à reconstruire : briques, pierres, planches.

Des baraquements provisoires sont construits à la hâte et installés dans divers secteurs de la ville. D’anciens camps militaires sont utilisés également pour reloger la population : camp de la Forêt de Montgeon, camp Philipp Moris…

L’urgence est à la reconstruction. Pendant des années et des années, elle va battre son plein. Il s’agit d’assurer le plus rapidement possible à chaque Havrais un logement décent. Des milliers et des milliers d’ouvriers mettront toute leur énergie, tout leur savoir faire pour remettre debout cette ville à laquelle ils sont profondément attachés.

Les usines aussi sont remises en état ou reconstruites rapidement comme Augustin Normand pour relancer la vie économique.

Le PORT, véritable poumon de la ville, est d’abord déblayé de ses ruines, grâce au travail des dockers et des salariés du Port Autonome, puis remis rapidement en état de marche ; des quais flottants provisoires sont mis en place pour permettre l’accostage des navires. Puis d’anciens quais renaissent : quai Joannès Couvert, quai Meunier. D’autres quais sont construits : quai Hermann du Pasquier, quai Pierre Callet, quai Rhénart.

Grâce à l’action tenace et courageuse de tous les Havrais, Le Havre, peu à peu, renaît, retrouve son activité sur le plan industriel et maritime. Mais que d’efforts, d’énergie dépensés ! Les Havrais, à cette époque, ont vraiment pris en main leur destin.

Le paysage économique et social du Havre dans les années 50 – 60

En 1950, Le Havre a retrouvé pleinement sa vocation industrielle et maritime. L’activité dans les usines, dans les entreprises du bâtiment, tourne à plein. Le trafic maritime sur le port a repris et les Havrais se réjouissent de revoir les navires entrer et sortir du Port.

Le Havre est à nouveau une VILLE  qui sent l’usine et qui sent la mer.

La ville basse est quadrillée par une multitude d’usines, d’entreprises diverses, grandes et petites. Tous les quartiers de cette ville basse, surtout les quartiers sud, sont étroitement imbriqués avec les usines qui rythment leur vie quotidienne.

Au coin d’un boulevard, au bout d’une rue, l’usine est là, présente. Elle a investi la ville.

Le Havre est à cette époque une ville usinière et ouvrière.

Il suffit de faire un tour dans ce Havre des années 50 pour en prendre conscience.

En arrivant au Havre par la route du bas, l’ancienne route du Hode qui longe les falaises, la première entreprise rencontrée aux portes du Havre met tout de suite dans le bain avec ses fumées épaisses qu’elle crache dans le ciel et ses odeurs caractéristiques d’œufs pourris qui saisissent les narines : c’est la « C.F.R. », la plus ancienne compagnie française de raffinage.

A la hauteur d’Harfleur, au Pont VIII, de l’autre côté du canal de Tancarville, sont implantés les Ateliers de Construction du Havre, l’A.H.E., anciens établissements Schneider, spécialisés dans le matériel d’artillerie.

En longeant le Boulevard d’Harfleur et l’ancien canal Vauban, la première usine rencontrée, c’est la verrerie « Tourres », 42 rue Tourres, créée en 1841 ; ensuite, « Les extraits tinctoraux » 20 rue de Pressencé ; « la Régie Nationale des Usines Renault », 247 Boulevard de Graville ; « Lorrimer Red Hand », 75 Boulevard d’Harfleur.

Au,bas du pont Denis Papin, au 31 Boulevard d’Harfleur, une vieille usine Havraise, Mazeline, créée par les frères Mazeline, rachetée en 1871 par « les Forges et Chantiers de la Méditerranée ». C’est une usine de la construction navale qui fabrique des moteurs pour les navires, dont les imposants moteurs Sulzer, ainsi que des hélices et du matériel militaire : chars AMX 13.

En traversant le pont Denis Papin, on arrive au cœur du quartier Sainte Marie, qui est quadrillé  par de nombreuses usines :

Rue Demidoff : « la Société Française des Travaux Routiers », 199 rue Demidoff ; la « Société de Filature et de Tissage de Graville  », les « Fonderies Havraises »,  au 34 rue Demidoff ;

Rue Jean Jacques Rousseau : au 30 rue Jean-Jacques Rousseau, les « Ateliers Duchesnes et Bossière », créés en 1921 par la fusion des Ateliers Duchesne et la maison Bossière, entreprise de construction et réparation navales. Se situe dans ce quartier, l’atelier de réparation S.N.C.F.

Cours de la République se trouvent les « Établissements Poplin », manufacture de vêtements pour les administrations civiles et militaires et les collectivités publiques et privées.

L’entreprise EDF se situe près de la Gare, ainsi que l’Usine à Gaz, rue Philippe Lebon.

Ces quartiers Saint Léon et Sainte Marie fourmillent de multiples autres entreprises disséminées au fil de ces rues. Ils sentent l’usine et de temps à autre les fenêtres des logements dans les rues Berthelot, Mazeline, Massillon, tremblent et vibrent quand, à Mazeline, se produisent les essais des puissants moteurs Sulzer.

En repassant le pont Denis Papin, on arrive dans des quartiers qui ont été les hauts lieux, les bastions de la classe ouvrière, quartiers Brindeau, place Humbert, rue de la Vallée, et surtout le grand boulevard Sadi Carnot (aujourd’hui boulevard Durand). Tous ces quartiers ont été modelés par une activité industrielle intense.

Au 30, rue Piaceski, la fonderie du « Nickel », fondée en 1880, traite les minerais de la Nouvelle Calédonie. Les salariés, en 1950, sont en majorité Bretons. L’usine ne passe pas inaperçue car, avec ses fumées, elle imprègne tout le quartier.

Au 41 rue de Fleurus, « la Chaînerie Veillé », fondée en 1900, fabrique chaînes et câbles.

Au 41 rue de Fleurus, les établissements « Bomal Aliez » confectionnent des bâches, stores et vêtements.

Place Humbert, au 48 rue Ferrer, « les Établissements Humbert », grande scierie, spécialisée dans les bois du Nord et du Pays, et dans le contreplaqué.

Au 50 rue d’Arcole, l’entreprise « Marais » s’occupe du gréement des navires et effectue tous travaux sur câbles acier et cordages.

Au 2 rue de la Vallée, l’entreprise « Fouré Lagadec », créée en 1922 est une entreprise avec des activités diverses : réparation navale, chaudronnerie, tuyauterie, échangeurs de chaleur, cabestans…

Rue de Valmy, l’entreprise « Delaunay » est une entreprise de chaudronnerie.

En reprenant à partir d’Harfleur, le long du boulevard Sadi Carnot (actuel Boulevard Jules Durand) qui longe le canal de Tancarville, c’est la rencontre avec le boulevard le plus industriel, un haut lieu de la classe ouvrière, de  ses luttes, de ses combats. C’est vraiment le grand boulevard qui sent l’usine.

Au début de ce boulevard, le site des anciens chantiers de la Gironde, racheté par Duchesne et Bossière, qui va lui permettre de se lancer dans la construction de navires.

Un peu plus loin, au Pont VII, une usine de construction aéronautique, la « S.C.A.N. », anciens Établissements « Bréguet », devenue  célèbre à la suite de la première occupation d’usine en mai 1936, qui déclencha une vague d’occupations dans toute la France et se solda par les « Accords Matignon » de 1936.

Au 189, boulevard Sadi Carnot, l’usine « Multiplex » est une importante usine de bois, spécialisée dans le contreplaqué.

Le boulevard Sadi Carnot devient de plus en plus grouillant de vie et d’activité industrielle. C’est une véritable ruche bourdonnante ouvrière. L’usine est là, présente, au cœur même des lieux de vie et d’habitation.

Les « Tréfileries et Laminoirs du Havre », construites de 1892 à 1895 s’étendent sur 30 hectares. Elles sont divisées en plusieurs usines : une pour l’acier, une pour le cuivre, une pour l’aluminium. C’est une des plus importantes usines du Havre. Qui ne connaît pas « les Tréfils » ?

Rattachées aux Tréfileries, les « Corderies de la Seine » ne sont pas très loin, au 208 rue de la Vallée. Fondées en 1899, elles sont achetées par les Tréfileries en 1922 ; elles fabriquent des cordages, des câbles pour la marine, l’industrie et les mines, voire même de la ficelle de  lieuse. Elles s’étendent sur 13 hectares et occupent essentiellement des femmes.

Jouxtant l’usine des Tréfileries, se dresse la Compagnie Electro-Mécanique, la « C.E.M. », fondée en 1895, vendue en 1898 à la Société Américaine Westinghouse (d’où l’appellation populaire « la Westing »), et rachetée en 1920 par la Compagnie Electro-Mécanique. Elle est spécialisée dans le matériel électrique ; moteurs, génératrices, alternateurs, transformateurs…

Le 3 février 1950, la C.E.M. construit la première motrice de 4 800 CV destinée à la ligne Paris-Lyon, première d’une série de 35.

En 1949, la C.E.M. fonde un atelier de fabrication de machines à laver domestiques sous licence Hoover, au 54 rue Louis Richard.

Si l’on franchit le Pont V, c’est la rencontre avec un quartier essentiellement populaire et ouvrier, un quartier excentrique, coupé de la ville par le canal de Tancarville, une voie de chemin de fer et une route. Ce quartier des Neiges, quartier de pêcheurs, comprend un certain nombre d’usines importantes.

Au 116, Avenue du 16ème Port, l’usine « Luterma », fabrique du contreplaqué, placages, plaques, fonds de siège, panneaux « Elymax » avec une main d’œuvre à majorité féminine.

Au 11, Avenue du 16ème Port, l’usine du « Titane » fondée en 1957, produit de l’oxyde de Titane et ses dérivés.

Rue des Chantiers se situent « Les Chantiers de Graville », chantier de Construction Navale créé par les « Forges et Chantiers de la Méditerranée » en 1872, au même moment que le rachat de Mazeline. Là sont construits des navires de moyen tonnage pour les grandes compagnies maritimes ainsi que de nombreux navires pour la Marine Nationale. De 1872 à 1966, 510 navires y seront fabriqués.

Au 1, rue du Pont V, l’usine « Sodéo », connue sous le nom de Desmarais est spécialisée dans les oléagineux.

Prolongeant le boulevard Sadi Carnot, le boulevard Amiral Mouchez nous plonge dans un autre quartier populaire, industriel et ouvrier, le quartier de l’Eure.

Du 225 au 239 boulevard Amiral Mouchez, les fonderies « Maugars » sont spécialisées dans la fonderie de cuivre, robinetterie pour la marine, mécanique générale et de précision, négoce de robinetterie.

Au 187, boulevard Amiral Mouchez, la « Société des Travaux Maritimes et Terrestres » s’occupe de peinture et de carénage des navires.

Au 116, boulevard Amiral Mouchez, l’usine « Desmarais », fabrique des huiles.

Rue Colmar, du 8 au 34, l’entreprise « Charles » est spécialisée dans la scierie et le négoce de bois américains, exotiques et coloniaux.

Deux grosses entreprises métallurgiques occupent une partie très importante du quartier de l’Eure.

L’entreprise « Béliard Crighton et cie », rue Aviateur Guérin, rue amiral Courbet, rue François Arago, est une entreprise de réparations générales de navires, mais fabrique aussi des treuils, cabestans et guindeaux.

Autre entreprise de réparations navales, l’entreprise « Caillard », située rue de Prony, qui fabrique des engins de levage, les grues bien connues des Havrais. En juillet et août 1944, deux violents bombardements détruisent une grande partie des bâtiments. Quinze mois plus tard, l’usine est reconstruite et à nouveau en état de marche. En 1957, l’entreprise « Caillard » reprend les installations de Béliard, Crighton et Cie.

Dans ce quartier de l’Eure, se situent également les installations du service technique des « Chargeurs réunis », rue Bellot.

Mais ce quartier de l’Eure est aussi très célèbre, car il est, dans ces années 50, le lieu d’embauche des DOCKERS, au Pont III, avec sa fameuse cloche.

Ils sont 5 922 à venir à l’embauche chaque jour et toutes les rues autour du Pont III sont jonchées de vélos.

En 1962, le B.C.M.O. (Bureau central de la main d’œuvre) deviendra à son tour le lieu d’embauche des Dockers et prendra le nom de « parapluie ».

Le Havre est une ville qui sent l’usine et qui sent la mer.

En entrant dans le PORT, c’est la rencontre avec les entreprises liées aux activités maritimes.

La « C.I.M. » (Compagnie Industrielle Maritime) sur la digue ouest, assure le stockage et la manutention des hydrocarbures.

Près de la forme 7 se trouvent les services généraux et les services techniques de la « Compagnie Générale Transatlantique ».

En 1965, ces services techniques prendront l’appellation « Coger ».

C’est l’ère flamboyante des grands paquebots transatlantiques qui font la fierté du Havre et 10 000 marins y sont employés.

Bien entendu, sur les différents quais du port, les Dockers travaillent au chargement et déchargement des navires.

Dans les différentes cales sèches, les travailleurs de la navale s’activent sur les bateaux mis en réparation.

Une activité intense anime le port quotidiennement.

Le quartier du Perrey

En quittant le port, et en suivant le front de mer, nous arrivons dans le quartier du Perrey ou se trouve implanté un des plus prestigieux chantiers de construction navale : « Les Chantiers Augustin Normand » implantés au Havre depuis 1816, qui seront les premiers dans divers domaines. En 1837, il entreprend la construction de navire avec une coque en fer, il est l’initiateur en France des navires à vapeur, et en 1841, il construit le premier navire doté d’une hélice comme moyen de propulsion : le  « Napoléon ».

Pendant longtemps, ils ont construit des torpilleurs et contre-torpilleurs d’abord pour la Marine Nationale, mais aussi pour les Marines Russe, Espagnole, Japonaise, et suédoise, et se sont ensuite lancés dans la fabrication de sous-marins. Ils ont diversifié leur activité : construction de chalutiers, d’avions, de cargos, de remorqueurs, de cotres à voile, de coques d’hydravions, caboteurs, dragueurs de mines…

En 1963, les chantiers Augustin Normand, faute de commandes, sont contraints de fermer leurs portes, première victime du « Livre blanc ».

Inutile de dire que chaque lancement de bateau était l’occasion, sur ce front de mer, d’une grande fête populaire qui alliait le personnel de l’entreprise et la population.

En rentrant à l’intérieur du Havre, dans les quartiers Saint Vincent, Saint Michel, deux entreprises importantes sont implantées :

-                La teinturerie Lagarde 76, rue Frédéric Bellanger

-                La Brasserie Paillette 20, rue Président Wilson, qui signale sa présence avec des fumées qui embaument le quartier.

Il faut ajouter aux entreprises citées, les 58 entreprises du Bâtiment et Travaux Publics, disséminées dans toute la ville.

Dans ces années 50, Le Havre est une ville ouvrière et industrielle, une ville quadrillée par des usines.

Presque tous les quartiers sont étroitement imbriqués avec des chantiers, des entreprises.

A chaque coin de rue, l’usine est là, présente. L’usine a investi la ville et constitue un élément déterminant du paysage urbain familier. Les fumées, les odeurs d’usine, imprègnent la ville. Les bruits, le bourdonnement continu et sourd en provenance de toutes ces usines forment une musique de fond, ponctuée des clameurs des sirènes de bateau.

La ville s’articule autour de la vie des usines ; les rues s’animent aux heures d’embauche et de débauche. Des milliers de vélos déboulent dans les rues pavées, car presque toutes les rues sont encore pavées.

Les grandes artères, dans les quartiers usiniers, sont équipées de rails, souvent encombrées de wagons. Alors, pour qui roule à vélo, la prudence est de règle, si l’on ne veut pas laisser prendre sa roue dans le rail. Gare à la chute !

La vie des quartiers s’articule autour de ces usines. Les logements sont construits à proximité, logements souvent insalubres, aux murs gris couleur d’usine. Les cafés sont nombreux et sont des lieux de rencontre et de convivialité. Ils portent des noms évocateurs : « Le bar des Tréfileries », « le café du Syndicat », «  le Tréguier », « le Morlaix », « le bar de la Métallurgie », «  le P’tit sou », « le Parapluie », « Le Baracuda », « Chez Marie-Louise »…

De son côté, l’activité portuaire constitue une activité essentielle du Havre qui draine des milliers et des milliers de travailleurs. Le Port, avec ses allées et venues incessantes de navires, avec ses multiples bassins, avec ses transports de marchandises par mer, par eau, par route, par rail, avec ses grues dressées en sentinelle, marque, imprègne et structure le paysage de la cité.

Dans les années 50, Le Havre est une ville qui sent l’usine et qui sent aussi la mer.

Effectif des dockers au 1er janvier 1950 :   5922.

Effectifs dans la métallurgie en mai 1950 :  9537,

Dont voici la répartition par entreprises

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ENTREPRISE

 

Careneurs

Abeilles

Affinerie

Beliard

Bichet

Benoto

Sharp Navires

C.E.M.

Caillard

Augustin Normand

Chantiers de Graville

Chargeurs

Duchesne et Bossière

Dumontier

Follet

Bassot

Fonderies Havraises

Maugars

Ets Joly

Normandie

Fontaine

Fouré Lagadec

Garages

Jungbluth

Modeleurs

Lemaitre

Leraitre

Lepage

Lesauvage

Mazeline pont V

Mazeline

Le Nickel

S.N.C.A.N.

C.I.M.

Worms

Delmas

Veillée

 

Total

OUVRIERS

 

200

  30

  11

200

  48

  50

100

1 100

450

555

300

230

700

  40

  11

  80

150

  15

  50

  60

  39

120

170

  30

  20

  25

  10

  15

  27

  73

620

160

433

1 200

110

  80

  60

--------------------

7 572

MENSUELS

 

  20

    4

    2

  71

    6

    6

    7

500

  70

165

127

  50

  50

    4

 

    7

  20

    2

  10

    5

    4

  20

  20

    3

    2

    2

    3

 

    3

    7

330

    9

229

200

  10

    5

    2

--------------------

1 965

TOTAL

 

220

  34

  13

271

  54

  56

107

1 600

520

720

427

280

750

  44

  11

  87

170

  17

  60

  65

  43

140

190

  33

  22

  27

  13

  15

  30

  80

950

169

662

1 400

120

  85

  62

--------------------

9 537

 

Une étude statistique sur la population havraise en 1954, effectuée par Monsieur Jean-François Damais permet de dégager des données intéressantes sur la population active, notamment sur les salariés, pour l’agglomération du Havre (Le Havre, Sainte Adresse, Harfleur, Sanvic)

Salariés Agricoles       136

Ingénieurs du secteur privé       864

Cadres administratifs secteur privé       894

Techniciens supérieurs secteur privé    1 297

Cadres administratifs moyens secteur privé     1 713

EMPLOYES

        secteur privé    6 169

        Employés de commerce    2 907

OUVRIERS

        Contremaîtres secteur privé    1 445

        Ouvriers qualifiés (privés)             13 552

        Ouvriers spécialisés (privés)    5 573

        Manœuvres    9 387

        Marins et pêcheurs    3 185

        Mineurs         44

________________________________________________________________________________

 Total  48 966

================================================================================

Répartition de la population active par secteurs d’activité

 I – SECTEUR D’ACTIVITÉ PRODUCTIVE

Pêche                                           162

Agriculture, Forêts                            247

Industries extractives         78

Bâtiment et travaux publics     8 990

Métallurgie   total     8 803

Première production transformation métaux     1 496

Industries mécaniques     6 750

Articles mécaniques divers        159

Constructions électriques        398

Réparations mécaniques et électriques        667

Verre, céramique        280

Pétrole, carburants        906

Industries chimiques        617

Tabac et allumettes                     66

Industries alimentaires     1 822

Industries textiles et annexes        562

Habillement et travail des étoffes                800

Industries des cuirs et peaux        201

Industries du bois et de l’ameublement                447

Industrie du papier et du carton          12

Presse édition                   439

________________________________________________________________________________

 Total              25 099

================================================================================

II – SECTEUR TERTIAIRE

TRANSPORTS  16 623

    Transports terrestres    4 227       

    Transports maritimes, fluviaux et aériens  12 401

COMMERCES  11 614

BANQUES ET ASSURANCES    1 891

SERVICES    7 334

SERVICES PUBLICS,

ADMINISTRATIONS, ARMÉE    7 067

________________________________________________________________________________

 Total                 44 534

 _______________________________________________________________________________

Population active du Havre seul en 1954

Si l’on ne prend que la ville seule du Havre ne 1954, la répartition de la population active est la suivante:

Secteur privé:

Salariés agricoles    107

Ingénieurs du secteur privé     689

  Cadres administratifs supérieurs

   du secteur privé:           700

  Techniciens du secteur privé          1 057

  Cadres administratifs moyens

  du secteur privé      1 390

Employés Secteur Privé     5 042

  Employés du commerce     2 056

Ouvriers

  Contremaître secteur privé     1 190

  Ouvriers qualifiés (privé)  10 986

  Ouvriers spécialisés (privé)     4 500

  Manœuvres     8 175

 Marins pêcheurs     2 644

 Mineurs          42

Total  38 878

Population du Havre en 1954:         139 626

________________________________________________________________________________

Ces chiffres montrent à l’évidence l’importance de trois secteurs essentiels:

Le secteur de la Métallurgie, notamment la construction et la réparation navales,

Le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics , justifié par la reconstruction du havre à la suite des dégâts de la guerre,

Le secteur maritime:

              - Le nombre de marins,

              - L’importance du port Autonome

              - Le nombre de Dockers.

Les effectifs dans chacun de ces secteurs tournent autour de 10 000 salariés, et même les dépassent dans le secteur maritime.

Le Havre, dans les années 50 est une ville qui sent l’usine et une ville qui sent la mer.

(à suivre dans le Fil Rouge n°18)

Sources:

-                « Les havrais dans la guerre »- Jean Legois,

-                « Étude sur le recensement de la population du Havre » — Jean-Philippe DAMAIS — Mai 1954

-                Les archives du Syndicat des métaux, 

« Salaires et Entreprises du Havre et de la Région » — Étude faite par la commission Économique de l’Union départementale CGT de Seine-Maritime, composée de Raymond Charpiot, Bernard Isaac et Maurice Mariette — 1962 .

Ecrire au fil rouge