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Éditorial

Les « aléas » du « pluralisme syndical »!

Deux articles de ce numéro 18 du Fil rouge, évoquent la même période historique: celle des années 50. L’u,n raconte Le Havre, l’autre Elbeuf. Dans cette période, la grande grève générale de 1953 a une place particulière.

Tout le monde a, en effet, entendu parler de 1936, 1947, 1968, 1995, mais celle du mois d’août 1953 est, en général, oubliée. Pourtant, telle une vague de fond, des millions de salariés cessèrent le travail pour contester une série d’attaques contre le statut des fonctionnaires et en particulier contre leur système de retraite. Dans la foulée la grève s’étend dans le secteur privé. Ce formidable coup de boutoir donné contre la politique gouvernementale laissera un goût amer aux grévistes.

En effet, la grève commencée le 4 août dans les PTT, s’étend rapidement aux autres fonctions publiques. Le mouvement de grève se développe dans l’unité entre les organisations CGT, CFTC et FO. Cependant dans la coulisse, FOP et CFTC négocient en secret. Ils appellent à la reprise du travail le 21 août, sur la base d’un accord vague, passé avec le gouvernement. Au moment où la grève s’étend au secteur privé, cet appel est vécu comme une trahison par la grande masse des grévistes qui continuera la grève plusieurs jours.

La spécificité de la grève de 1953, est que c’est la première grève générale faite dans le cadre du « pluralisme syndical ». Aujourd’hui cela paraît normal. Pourtant à l’époque, il est vécu comme une anomalie.

Lors des grand mouvements sociaux qui font suite à la 1ère guerre mondiale — en 1919 et en 1920 — seule la CGT existe en tant que confédération. A l’époque, il n’est même pas concevable d’imaginer que dans une entreprise il puisse y avoir plusieurs syndicats. Il y avait LE syndicat, même si un certain nombre restait dan,s l’autonomie vis à vis de la CGT.

En 1936, le mouvement gréviste se développe dans la foulée de la réunification de la CGT. C’est la CGT qui négocie directement avec le patronat sans la présence d’aucune autre organisation syndicale. A l’époque il existe pourtant une autre confédération, très minoritaire: la CFTC. Mais celle-ci ne jouera aucun rôle.

Depuis 1947, après une nouvelle scission dans la CGT, marquée par la création de FI et l’entrée dans l’autonomie de plusieurs fédérations de la CGT, dont la FEN, le paysage syndicale change radicalement. Depuis cette époque, le gouvernement et le patronat peuvent jouer sur les divisions, en choisissant leurs interlocuteurs et en négociant séparément. Et ils ne s’en privent pas. En 1953 — comme en 2003 — la division syndicale leur a permis de briser l’élan de la grève et d’empêcher que le rapport de force créé ne donne tous ses fruits. Cependant, d’autres conflits — exemple 1968 — ont surmonté cette difficulté majeure.

Aujourd’hui, il faut se féliciter de la poursuite de l’effort unitaire de la CGT pour surmonter les divisions syndicales. Cependant la publication du rapport « Virville » vise à accentuer plus encore l’émiettement syndical dans l’entreprise tout en détricotant le Code du travail, doit nous incite rà travailler plus à fond cette question.

Gilles Pichavant

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