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Numéro 22: Éditorial

Les Comités d’Entreprises, défenseurs des libertés individuelles, encore et toujours, 60 ans après leur création !

Qui ne s’est jamais rendu le midi dans la bibliothèque d’un Comité d’Entreprise, tel celui de la Shell à Petit-Couronne, Renault à Cléon, ATO à Gonfreville, Revima à Caudebec notamment mais aussi chez Dresser, AZF ou autre lieu où s’échangent des débats, des idées en entreprise, ne sait pas ce qu’il manque.

Ce qui s’est passé au début de l’année au Comité d’Entreprise de Renault Le Mans, où une majorité CFDT-CGC a décidé de fermer sa bibliothèque pour des raisons de « rentabilité », et de vendre les 28000 volumes et 4000 documents sonores qui la composent, accompagne ce qui est un vrai recul de civilisation: le recul de la lecture. Une organisation syndicale comme la CGT, qui a pour ambition, pour responsabilité et pour finalité l’expression la plus large des salariés, l’extension d’une pleine et riche citoyenneté, ne pouvait qu’organiser la résistance.

Faut-il rappeler qu’alors que les prêts de livres dans les villes touchent 16% de la population, les bibliothèques de Comités d’Entreprises touchent 33% des salariés. Lorsque le CE d’Hurel Hispano pour fêter ses 40 années d’existence édite un livre de qualité sur les 60 années de son histoire sociale, distribué à tout le personnel (et retraités), il fait oeuvre après d’autres (ATO, Dresser, ACH, etc.…) de « salut public » parce qu’il se bat sur un terrain difficile mais ô combien indispensable. Même si la majorité à basculé au CE de la SIDEL au Havre, malgré 51% des voix et 4 élus sur 8, (le patron ayant voté avec la CGC et CFDT) en attribuant le secrétariat à la CFDT qui ne représente pourtant que 19% des suffrages, espérons que le projet innovant de l’ancienne majorité CGT qui avait programmé et budgété la construction d’une médiathèque sur le site d’Octeville ne sera pas remis en cause.

Les Comités d’Entreprises qui font l’interface entre temps de travail et de loisir, sont les seuls à pouvoir agir pour qualifier à la fois l’activité de travail et valoriser le temps de non-travail.

Même si beaucoup d’entre eux cèdent sans doute un peu trop facilement à une billetterie dont le contenu culturel reste à prouver et qui font des salariés des consommateurs au lieu d’être des consom’acteurs notamment, il n’empêche que cette autre exception culturelle française, que sont les C.E., s’interroge et recherche comment poursuivre sous d’autres formes son rôle pédagogique et citoyen. Une des réponses passe, bien sûr, par la mutualisation des moyens des CE comme le spectacle de fin d’année qu’ils organisent chaque année en Normandie avec TLC et VL. En 2004, ce sont 140 Comités d’Entreprises qui ont fait participer 40 000 spectateurs à un spectacle de qualité au Havre, à Rouen et à Caen. Les CE contribuent également au Festival du Livre de Jeunesse de Rouen mais ce n’est pas suffisant, le nombre de lecteurs restant dramatiquement insuffisant.

Soixante ans après leur création, le livre et la culture restent les alliés les plus solides des Comités d’Entreprises dans leur combat pour la dignité et la citoyenneté. L’histoire de leurs luttes et de leurs réalisations est la marque de notre histoire sociale.

J. Defortescu

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