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Numéro 24

 La Maison du Peuple de Sotteville-lès-Rouen

Historique

Par Guy Décamps

 

 La Commune de Paris a été le départ d’une nouvelle prise de conscience de la classe ouvrière dans son pouvoir d’ouvrir la voie aux conquêtes sociales et politiques. En donnant la possibilité aux Travailleurs de s’exprimer, elle a créé les ateliers municipaux, les chambres syndicales, les mutuelles, les associations ouvrières, …

Tout ce bouillonnement social a donné naissance, sur fond de révolution industrielle, au syndicalisme, aux Bourses du Travail. Ces dernières se perpétuent en Maison du Peuple et en bibliothèques populaires. Au cours du XXe siècle, aux premières se substituent les Maisons de la Culture, aux secondes les bibliothèques publiques, municipales puis médiathèques.

Institutions de classe, les Maisons du Peuple sont nées à la fin du XIXe siècle de la volonté des classes prolétaires et de la concentration ouvrière dans les villes. Les travailleurs sont souvent issus des campagnes, arrachés aux métiers et aux structures traditionnelles, marqués par le corporatisme et le compagnonnage et ils se retrouvent alors déracinés, déculturés, dépersonnalisés.

On y vient lire le journal, discuter, rencontrer des compagnons ; mais on y boit beaucoup. L’anti-alcoolisme est un combat dans le mouvement ouvrier naissant.

Face aux monuments du passé (cathédrale, parlement, palais) la Maison du Peuple se veut monument de la Classe ouvrière. Elle fait partie de ces nouveaux patrimoines comme les gares, les marchés couverts, Hôtels de Ville,…

Elle se doit d’être un temple de la culture, au service du prolétariat. C’est souvent le seul local à accepter les réunions de gauche. C’est là que se font les grandes manifestations syndicales et politiques. C’est là que se donnent les cours d’Université Populaire, les conférences destinées aux Travailleurs. C’est de là que s’ébranlent les cortèges du 1er mai.

La naissance des Maisons du Peuple répond donc à une exigence de classe.

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Sotteville-lès-Rouen, ville ferroviaire. Le chemin de fer est important, essentiel dans la croissance de cette commune. Il apparaîtra tout au long de cette histoire.

Monstre de fer, dragon d’acier, la locomotive à vapeur a épouvanté les populations des campagnes. Elle est apparue à Sotteville-lès-Rouen en 1843, lors de la construction de la ligne Paris – Rouen. Le chemin de fer contribue à la notoriété de Sotteville-lès-Rouen : ateliers de construction de machines (Buddicum puis Quatre Mares), son triage de wagons, ses centres d’apprentissage, de renommée nationale, qui ont vu défiler des générations de chaudronniers. Hélas, le chemin de fer sera aussi indirectement la cause de sa destruction en 1944.

Mais une autre industrie locale voit le jour : celle du textile, fabrique de calicots, plusieurs filatures de cotons (Bertel).

A l’arrivée du chemin de fer, Sotteville-lès-Rouen comptait 4 000 habitants, 21 000 en 1911,  27 000 en 1933,  il n’en compte plus que 10 332 en 1944 et 16 133 en 1945. Vers 1930, il y avait près de 7 000 maisons et 9 à 10 fermes.

La rue de la République, où fut construite la Maison du Peuple s’est appelée « chemin du haut », puis rue du Carrefour, elle devint rue de la République en 1880 en même temps que les rues d’appellation cléricale perdaient leur nom : St Antoine devint Colombel (peintre), St Philippe devint Jean De La Fontaine, St Laurent devint Pouchet (médecin). Cette rue était très populaire, avec ses commerces, ses artisans, ses petits métiers. Elle était moins bruyante que ses voisines dans lesquelles passait le tramway.

Sotteville-lès-Rouen possède une tradition culturelle et associative. Elle s’exprime à travers la vitalité des fêtes et la vie associative. La Maison du Peuple va tout naturellement trouver sa place dans cet environnement ouvrier, cheminot, culturel, associatif. N’oublions pas aussi le volet sportif, dont le plus beau fleuron, « Le Stade Sottevillais » est issu du « Stade Sottevillais Cheminots Club » (1920).

Eugène Tilloy entre au conseil municipal en 1908. Il est maire de 1912 à 1944, lui succèdent Philippe Lanoux puis Roland Tafforeau.

A en croire un Sottevillais « pure souche », Léon Leroy, né en 1914 dont le père était Cheminot1 , la vie était rythmée par le sifflet des ateliers de Buddicum. Le jour de sa naissance, sa maman a dit : « ce sera un Cheminot, il est né au coup de sifflet de 6H45 ».

C’est par Léon Leroy, ou plutôt par son père, que nous allons aborder l’histoire de la Maison du Peuple.

« A cette époque Sotteville-lès-Rouen comportait trois cinémas : Le Voltaire, Le Garibaldi, L’Eden et une salle de spectacle : L’Eldorado. Les Travailleurs se réunissaient à Rouen, à la Bourse du Travail, qui devait se trouver place St Marc.

« A la fin de la guerre de 1914/1918, il y eut une prise de conscience des Travailleurs sur la nécessité de s’occuper eux-mêmes, de leur devenir citoyen et social. Ils étaient organisés au sein de partis, syndicats, associations. Un terrain a été acheté rue de la République. Les Cheminots principalement, et les autres Travailleurs ont fait tomber leur veste. Je me souviens que mon père, après sa journée de travail et ses 4 tonnes de charbon, allait remuer le béton à l’aide de crocs, car la bétonnière n’existait pas. Ils ont monté les murs avec des parpaings. Je n’ai, hélas, pas de photos de cette aventure, le monde ouvrier était courageux, mais pauvre ( il n’avait pas d’appareil photo ). L’idée était de créer un endroit où se réunir. D’autres ont travaillé à la menuiserie. Je peux dire que la Maison du Peuple a été construite, de bas en haut, par les Travailleurs, avec des imperfections évidemment.

« Il y eut d’abord la salle de réunion, la scène est venue après. Lorsque l’on demandait aux enfants de venir chanter, des tréteaux avec des planches étaient installés et nous nous produisions dessus (d’où l’expression : les tréteaux chantants) ! Les gens venaient avec leur chaise, les femmes faisaient des gâteaux. Il y eut une buvette installée dans le fond pour éviter aux gens de sortir. Après, il a été installé, à l’extérieur, un café – bar indépendant et loué à un particulier. Sur le côté droit de la scène, quand elle fut construite, une porte donnait accès à une cour au fond de laquelle vous aviez les W.C.

« Puis l’utilisation de la salle a évolué. Elle est devenue salle de spectacle, puis un cinéma appelé « Renaissance », sans toutefois perdre sa vocation première de salle de réunion. Contrairement aux autres salles, Le « Renaissance » passait des films à connotation sociale et progressiste. L’idée principale était de mettre à la portée de la classe ouvrière les spectacles, films et attractions de l’époque, à prix modiques, tout en conservant un côté culturel.

« La Maison du Peuple avait aussi une forte animation sportive. Une équipe de football a été montée : Le Sotteville F.C. Plus tard, les Cheminots ont formé leur équipe corporative sous l’appellation « Union Sportive Prolétarienne de Sotteville : U.S.P.S. » qui donnera naissance au fameux Stade Sottevillais.

« Toutes les animations offertes par la Maison du Peuple étaient assurées par des bénévoles ; par exemple, le cinéma était l’affaire des Cheminots du dépôt.

« A l’époque, je pense que le monde ouvrier était un monde courageux, les travailleurs bossaient dur. Il y avait une grande solidarité. J’ai vécu ce monde ouvrier courageux. La Maison du Peuple était le reflet de ce monde-là, aussi un îlot de résistance au fascisme et au capitalisme montants. »

Phalange des Pupille de la Maison du Peuple de Sotteville — 1921— Carte postale publiée dans le livre « Sotteville une vie », vol 1, 2ème édition, de Léon Leroy, Daniel Andrieu, Jean-François Glabik, Maison Pour Tous de Sotteville-lès-Rouen éditeur

Après l’écoute des souvenirs de Léon Leroy, parcourons les archives de cette Maison du Peuple. Elles couvrent la période de 1922 à 1957. Dernièrement retrouvées, elles ont été mises gracieusement à notre disposition par la direction de la nouvelle Maison du Peuple.

La « Maison du Peuple de Sotteville » est une société immobilière, anonyme à capital variable (S.I.A.C.V.) dont le siège est au 323, rue de la République.

Au greffe du tribunal de commerce, avant 1939, il n’y a pas de trace de cette S.I.A.C.V. La déclaration d’une telle société n’était pas obligatoire. Par contre nous retrouvons la déclaration de la nouvelle société, après sa reconstruction en 1957 ; et c’est bien la continuation de la première car la date de commencement de l’exploitation est le 1er juillet 1919.

Le premier Conseil d’Administration qui nous a été révélé, remonte à l’année 1925.

G. Courteille, A. Vivier, F. Deshays2, A. Poirier, R. Lefevre, A. Mary,  V. Boucher, E. Moulin, M. Dumont,  G. Guichard, H. Maillard, A. Dan, V. Camus dit Clément Léon 3 , H. Lemaire, G. Raulin4.

 Le bureau

Administrateur Délégué : Gaston Raulin, Adjoint : G. Courteille, Secrétaire: A. Poirier, Adjoint: H. Lemaire, Trésorier: A Dan, Adjoint: Boucher

 Notes:

  1. Le père de Léon participe aux grèves de février et mai 1920 ; il est révoqué ; il sera réintégré quelques mois après.

  2. Fernand DESHAIS : Secrétaire du syndicat C.G.T. du Bâtiment – Fait prisonnier en 1940 – Un des dirigeants d’une organisation de résistance parmi les prisonniers.

  3. Victor CAMUS : Militant de l’Association Internationale Antimilitariste (A.I.A.) – Il signe le manifeste aux conscrits en 1905 – Il est mis en prison – Il participe à la ligue de protection de l’enfance et crée en 1912, une société musicale pour enfant.

  4. Gaston RAULIN : Cheminot, syndicaliste révolutionnaire, crée le syndicat des cheminots du Havre en 1917 – Il est élu secrétaire – Muté à Sotteville, secrétaire de la section C.G .T. des ateliers de Quatre Mares – Membre du comité de la IIIe Internationale – Participe activement aux grèves de février et mai 1920 – Il est révoqué – Il fut réintégré quelques années plus tard

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ARCHIVES DE LA MAISON DU PEUPLE – SOTTEVILLE-LES-ROUEN DE 1922 à 1939

21 mars 1926

Compte-rendu de l’A.G. ; il semble qu’un nouveau bureau ait été élu en 1925 et devait faire ses preuves car le climat ne semblait pas serein avant. Le responsable fait appel à la concorde et à la solidarité. Tout ne semble pas parfait : « Il faut resserrer les rangs autour de notre maison commune pour la défendre contre les détracteurs qui tenteraient de la faire sombrer ».

Les phalanges artistiques et sportives, tout en restant dans la Maison, auront leur autonomie et vivront par elles-mêmes.

Refonte de la convention de la buvette. Accord des deux parties sur une clarification comptable. Réorganisation des spectacles, principalement de la salle de cinéma, qui retrouve une clientèle accrue, en y incorporant des programmes plus « corsés ». « La crise de confiance s’atténue. Notre salle est plus fréquentée et les travailleurs de notre localité paraissent reprendre conscience de leur devoir de classe ».

Dans le chapitre : location de locaux, nous relevons que les salles sont louées à une organisation syndicale ainsi qu’au Parti Communiste.

La situation financière semble préoccupante. Un appel à la solidarité sous forme de timbres n’a pas répondu à la demande. « Des camarades nous ont retourné les timbre allégant que, sollicités trop fréquemment, il ne leur est pas possible de nous donner satisfaction ».

« De bons camarades nous ont confiés tout ou partie de leurs économies sous forme de prêt ou de souscription d’obligation. La plupart de ces camarades auraient du être remboursés, ne le sont pas. Il va falloir y songer ».

En conclusion, il faut poursuivre le redressement. « Remercions les travailleurs pour leur concours. Ils sont intéressés par notre œuvre. Notre maison sera la véritable maison du peuple faite par et pour les Travailleurs ».

20 mars 1927

Compte-rendu de l’A.G. « Malgré tout le sérieux apporté à la gestion qu’il convient de donner à une œuvre ouvrière, nous avons été souvent arrêtés par l’insuffisance de ressources ». De gros travaux sont à entreprendre.

Les rubriques buvette, confiserie, concerts, spectacles, location de salle dégagent des bénéfices. La rubrique cinéma, en dépit des efforts faits pour donner satisfaction à  la classe ouvrière, est en déficit ; faudra-t-il l’abandonner ? « Combien de nos adversaires se réjouiraient de constater que nous avons été incapables de tirer partie d’une source de rapport pourtant très recherchée par les capitalistes ».

En conclusion, il y a un appel urgent aux Travailleurs.

25 mars 1928

rédigé à la machine

Compte-rendu de l’A.G. Légère amélioration de la rubrique cinéma. Il faut continuer dans ce sens. « Vous aiderez le C.A. dans sa lourde tâche qui consiste à conserver, tout en l’améliorant, l’œuvre que la classe ouvrière de Sotteville a créée de toute pièce et dont elle a lieu d’être fière ».

24 mars 1929

Compte-rendu de l’A.G. La rubrique cinéma continue de progresser : qualité des films, modicité des prix des places. « Notre but : mettre les spectacles, même les plus beaux, à la portée des ressources des plus déshérités ».

30 mars 1930

La situation financière continue à s’améliorer.

22 mars 1931

La situation financière est toujours dans sa marche ascendante.

13 mars 1932

Les bénéfices de la rubrique cinéma sont en baisse : concurrence des autres salles qui innovent avec le cinéma parlant. Difficultés de plus en plus grandes de trouver de superbes films muets. Chômage : un facteur important.

26 mars 1933

Situation financière préoccupante. Les rentrées ne correspondent pas aux investissements, malgré l’installation du cinéma parlant. Le chômage s’amplifie.

mars 1934

« La Maison du Peuple est la seule, dans la région, à assurer des salles pour les organisations ouvrières, face à quatre cinémas bourgeois, le lieu idéal, par ces temps dépravés où le fascisme se préoccupe de la destruction des maisons ouvrières ».

mars 1935

« Tant que les organisations actionnaires de la Maison du Peuple, se réclamant de la Classe Ouvrière, déserteront nos locaux, nous ne pourrons ouvrir des cours d’éducation plus étendus à la jeunesse, des soirées récréatives gratuites à la Classe Ouvrière. Ces actionnaires, négligeant notre maison, se font indirectement complices de cette secte bourgeoise et fasciste qui cherche à détruire, par les moyens les plus honteux, la seule maison qui les gène, celle qui abrite nos réunions ouvrières et de bienfaisance ».

mars 1936

« Le C.A. sortant, compte tenu de l’unité syndicale retrouvée et les liens fraternels renoués, pensait vous donner un rapport satisfaisant. Hélas, il n’en est rien.

Nous espérons que l’unité syndicale et le Front Populaire sauront mobiliser pour rénover notre Maison du Peuple qui est la haine du front national fasciste. Seul le syndicat des Cheminots a pris l’initiative d’une souscription, répondant ainsi à un appel du C.A. pour couvrir la somme de 5 620F, réclamée par les Contributions. »

mars 1937

« Nous avons été obligés de contracter un nouvel emprunt. Certains camarades s’en sont émus et nous ont conseillés de s’adresser à la grande C.G.T. Le nécessaire fut fait sans obtenir satisfaction. »

27 mars 1938

R.A.S. La situation financière s’améliore. Élection du C.A. qui assumera l’exercice 1939 et la guerre.

« POIRIER André. QUENNEHAN Raymond. VALLIER Gaston. BRUNEAU Antoine. BERAULT Auguste. HUGUERRE Justin. MAYEU Maurice. BLONDEL Marcel. POULAIN Léon. GATIN Fernand »

6 mars 1939

R.A.S.

Plan de situation de la Maison du Peuple (flèche)  de Sotteville-lès-Rouen avant la 2ème Guerre Mondiale. Elle était à proximité de la Mairie et des Ateliers des locomotives Buddicum - Archives municipales de Sotteville-lès-Rouen

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La période de l'occupation et le désastre de 1944

Entre 1939 et 1945

L’occupation, dès septembre 1940, n’est moralement pas acceptée. Les restrictions alimentaires, la confiscation des postes de radio, toutes  ces brimades sont mal vécues.

Très vite la résistance s’organise. Le monde Cheminot procède à de nombreux sabotages sur le matériel ferroviaire. De nombreux tracts de résistance à l’occupant circulent.

Les bombardements de la ville sont devenus monnaie courante. Celui de la nuit du 18 au 19 avril 1944 sera le plus meurtrier. En une nuit, la ville est anéantie, éliminée sous les décombres. Sotteville-lès-Rouen sera libérée le 31 août 1944.

C’est dans la nuit du 18 au 19 avril que notre maison, œuvre du peuple ouvrier, disparaît. Elle ne renaîtra que 13 ans après. Les dommages de guerre seront longs à venir.

Renseignements sur le bien détruit :

Salle de spectacle de 516 m2. Annexes ( loges et remises ) d’une surface de 30 m2, et d’un groupe de logements construits en bordure de rue. Ces logements à quatre niveaux ( cave partielle, rez-de-chaussée, 1er étage, combles aménagés ) ont une surface couverte de 197 m2.

Elle sera reconstruite au 149, rue Pierre Corneille à Sotteville-lès-Rouen.

ARCHIVES DE LA MAISON DU PEUPLE – SOTTEVILLE-LES-ROUEN DE 1945 à 1948

A partir de 1945

L’adresse est toujours au 317/323, rue de la République. Un échange de courrier avec Michel CAVELIER (de Montville) pour lui vendre les appareils projecteurs Gaumont. Accord conclu pour la somme de 20 000F. A ce moment, apparaît comme responsable LERESTEUX (qui signe les lettres).

La réponse de CAVELIER est adressée 11, rue A. Duval (est-ce l’adresse de LERESTEUX ?). Dans une autre lettre, CAVELIER demande à la Maison du Peuple si elle envisage de céder ses droits de dommages de guerre. Réponse de LERESTEUX : pas l’intention d’abdiquer nos droits à la reconstruction de l’immeuble. Il annonce pour le 19 mai 1947, une A.G. des actionnaires. Pas trouvé de C.R. de cette réunion, a-t-elle eu lieu ?

2 articles de presse (Avenir Normand et Paris Normandie) convoquent les actionnaires à une A.G. le 21 décembre 1947 à l’école maternelle rue de la République. Le quorum n’ayant pas été atteint, une autre A.G. est convoquée pour le 4 janvier 1948 à l’école maternelle.

4 janvier 1948

Présidence : ROGER Maurice. Assesseurs : DELAHAYE Marcel, LINOT Léon.

Le rapport moral est présenté par QUENNEHAN.

Il fait part des vicissitudes traversées depuis 1939 : membres disparus, archives brûlées lors du bombardement du 18 avril 1944. Le bilan, depuis 1939, est impossible. Les recherches, depuis la Libération, ont été vaines.

Dès septembre 1939, la presque totalité des locaux avait été mise sous séquestre par les autorités policières du gouvernement Daladier puis Pétain. Entre-temps, les meilleurs de nos Camarades du C.A. ont été déportés, ne sont pas revenus et un a été fusillé.

D’autres ont été éparpillés sur des postes de travail hors département. Pour régler les impôts, des Camarades de bonne volonté ont loué le cinéma Renaissance.

Élection du nouveau C.A. donc certainement faisant suite à celui de 1938.

Faisons un parallèle entre les deux :

                              1938                                1948

 Poirier André        Mort en déportation

 Qennehan Raymond                        Quennehan - Président

 Vallier Gaston       Pas de trace            Lachastre LouisVice Président

 Bruneau Antoine  Mort en déportation  Leresteux André - Secrétaire

 Berault Auguste   Mort en déportation   Dumont Marcel Secrétaire adjt.

 Huguerre Justin   Pas de trace            Benoist Eugène - Trésorier

 Mayeu Maurice     Pas de trace             Goueillé André - Archiviste

 Blondel Marcel     Pas de trace

 Poulain Léon        Pas de trace

 Gatin Fernand                                     Gatin - Trésorier Adjoint

 « Le nouveau C.A. fera tout ce qu’il pourra afin que notre maison ressorte des ruines et qu’elle revive, de nouveau, les meilleurs jours qu’elle a connus antérieurement ».

25 octobre 1951

Le Conseil Municipal délibère sur la dénomination des rues et places publiques, au cours duquel nos 3 administrateurs morts en déportation, vont voir leurs noms attribués à des rues.

« Il est possible, actuellement, de rendre un juste hommage à la mémoire de personnages qui se sont illustrés à des titres divers ou à des héros locaux de la résistance à l’ennemi, en donnant leur nom à des rues de la ville ».

A ces fins, le maire propose au Conseil Municipal d’adopter les modifications suivantes aux dénominations actuelles :

-                La rue B cité STRAN- STEEL sera appelée Auguste BERAULT,

-                La rue B du toit familial sera appelée André POIRIER,

-                La rue nouvelle de la cité THUILLIER sera appelée Antoine BRUNEAU.

 

ARCHIVES DE LA MAISON DU PEUPLE – SOTTEVILLE-LES-ROUEN DE 1951 à 2004

En 1951

Le siège social provisoire semble être au 149, rue de la République. La Maison du Peuple a du être hébergée provisoirement dans un immeuble non sinistré. Les réunions se tiennent en Mairie ou École.

Il est parlé de reconstruction mais les dommages de guerre, tenant compte de la vétusté de l’immeuble, font apparaître un abattement de 20%, ce qui ne va pas permettre de reconstruire la Maison du Peuple à l’identique.

Quelques questions des administrateurs :

- En quels matériaux la maison sera-t-elle construite ?

- La maison ressemblera-t-elle à la précédente ?

Réponses :

-                Les matériaux garantiront la solidité, durée, résistance au feu

-                Le possible sera fait pour imager la précédente sans nuire à l’harmonie du plan de cité urbaine.

De 1952 à 1956

L’emplacement est trouvé : ce sera rue HOCHE (qui deviendra Pierre CORNEILLE). L’équilibre financier est trouvé en abandonnant la salle de cinéma.

En 1957

L’assemblée générale du 30 juin inaugure la nouvelle maison. Il reste beaucoup à faire pour permettre aux associations démocratiques de Sotteville d’avoir un abri en rapport avec leur rôle social. L’adresse de la Maison du Peuple de changera pas. Elle est et restera au 149, rue Pierre. CORNEILLE.

A partir de 1958, deux registres ont été ouverts. L’un pour les réunions du C.A., l’autre pour les A.G.

Ils ont été mis amicalement à la disposition des chercheurs de l’institut par les administrateurs actuels.

Sotteville-lès-Rouen s’est transformée, mais la vocation de la Maison du Peuple n’a pas changé.

Après avoir pris connaissance du contenu de ces registres, nous avons rencontré ces administrateurs. Ils ont bien voulu nous faire part de leurs réflexions, et répondre à quelques questions.

Étaient présents à l’entrevue le lundi 7 février 2005: Alain DUPRE, Président, Patrick FLORIN, Secrétaire, Gérard PAIMPARE, Trésorier, James MITON, Membre.

Peut-on dire que l’activité de la Maison a évolué par rapport à celle de ses débuts ?

Oui, elle a évolué, comme la société a évolué, comme les gens ont évolué dans leurs manières de vivre, leurs occupations, leurs préoccupations. Nos concitoyens se déplacent plus facilement, moyens personnels, transports en commun. Nous n’avons plus vocation de présenter des spectacles (théâtre, cinéma). Il aurait peut-être fallu avoir d’autres moyens. Nous avons laissé tomber le bar qui n’était plus rentable. N’oublions pas que la superficie de notre maison a été diminuée de près de la moitié, ce qui a réduit considérablement ses possibilités d’accueil. Une gestion saine et toujours tournée vers un meilleur accueil nous a permis de nous agrandir, de mieux organiser l’intérieur, de le moderniser, de construire une cuisine, des W.C., parqueter la grande salle, changer le plafond pour améliorer la sonorisation.

Chaque année amène ses travaux d’entretien, bien souvent effectués par des bénévoles pour réduire les frais.

L’Université Nouvelle est venue y dispenser quelques cours. Au fil des années, la maison a accueilli un club de judo, le club des jeunes et des loisirs. Elle est le siège de la Confédération Nationale des Locataires. Elle est ouverte à des expositions culturelles comme celle initiée par « Artisans du monde », à des réunions familiales, départ en retraite en week-end.

Mais sa fonction première reste l’accueil des réunions des organisations ouvrières, en priorité le syndicat des Cheminots C.G.T. qui est et restera le principal actionnaire de la maison, puis l’Union Locale CGT, l’Union Départementale C.G.T., la section du Parti Communiste Français ainsi que les Cheminots retraités et leur orphelinat national (O.N.C.F.).

Comment fonctionnez-vous administrativement et financièrement ?

Nous sommes déclarés au Registre du Commerce et des Sociétés comme Société Immobilière Anonyme à Capitale Variable (S.I.A.C.V.)

Il y a les actionnaires, réunis en Assemblée Générale. C’est elle qui détermine et fixe la ligne de conduite. Elle élit un C.A. qui applique les décisions, au travers d’un bureau de responsables : Président, Secrétaire, Trésorier.

Nous sommes propriétaires des murs. Une bonne gestion a permis, certaines années, de grossir le capital, par exemple la vente des terrains annexes.

Nous avons 399 actions réparties dans diverses collectivités dont la principale est le syndicat des Cheminots C.G.T., et des particuliers.

Des locaux sont loués à des organisations ouvrières.

Certaines salles de réunions sont utilisées par d’autres associations ou familles, pour diverses activités. Ces dernières nous procurent des sommes correspondant aux frais d’utilisation.

C’est sur ces éléments que nous élaborons notre budget. Nous n’avons aucune subvention. L’esprit de la société est de rester autonome. D’ailleurs, dans les années 1960, à la demande d’administrateurs, une démarche a été effectuée en direction de la mairie. Il aurait été répondu qu’une telle société ne pouvait prétendre à subvention. Point final.

Qui sont ces actionnaires ?

Ce sont des gens cooptés, c’est à dire choisis par l’A.G. Il n’est pas question d’ouvrir la société à n’importe qui. Il nous faut des citoyens ayant la même philosophie que nous, la même façon de voir l’activité de notre maison. Même après nous, la démarche sera toujours la même.

Dans notre société l’actionnaire n’est pas une personne possédant des actions, assistant ou se faisant représenter aux A.G. et empochant des dividendes. L’actionnaire est un militant qui contribue, par sa participation, son action, son travail à faire vivre notre Maison du Peuple.

Peut-on dire que tous les membres du C.A. sont des Cheminots C.G.T. ?

A 99% oui, car il y a un représentant du Secours Populaire Français. Cette situation est l’héritage que nous ont laissé les anciens qui ont, pour quelques uns, payé de leur vie leur engagement. Les pionniers étaient, pour la plupart, Cheminots et la seule organisation syndicale était la C.G.T. C’est ça l’histoire. Sotteville est une cité Cheminote dont la vie a toujours été rythmée par les chemins de fer.

Pourquoi d’autres corporations, Gaziers, Fonctionnaires, Bâtiment, etc. n’apparaissent-elles pas ?

Ce n’est pas tout à fait exact. Les autres corporations sont accueillies lorsque l’Union Locale ou l’Union Départementale tient son congrès. Peut-être aussi que ces autres organisation professionnelles ont des locaux ailleurs.

Nous voudrions faire plus et mieux. Nous avons été désavantagés dans l’évaluation des dommages de guerre, malgré l’activité déployée par les administrateurs de l’époque. Peut-être les autorités d’alors ont-elles voulu cantonner nos activités dans des locaux plus petits, pour restreindre notre rôle ?

La bataille politique de nos adversaires était, et est toujours, de réduire les moyens des organisations ouvrières.

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Les questions que la Maison du Peuple de Sotteville se pose et, qu'elle pose aux lecteurs du Fil Rouge :

Nous aimerions rentrer en contact avec elles.

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Liste des Présidents du C.A. depuis 1945 :

 1948  :  Raymond QUENNEHAN

1951  :  Eugène BENOIT

1954  :  Louis LACHASTRE

1955  :  Gaston BUNEL

1959  :  Gérard HEDOUIN

1984  :  Fernand PRUD’HOME

2001           :  Alain DUPRE

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Remerciements:

Nous tenons à remercier chaleureusement les personnes ci-après, qui, par leur collaboration, leurs conseils, leurs disponibilités, nous ont permis de faire l’historique de la Maison du Peuple de Sotteville-Lès-Rouen :

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