Numéro 32
Le 20 mai 2008, à l'Hotel du département,
Colloque sur le thème:
"Faut-il remettre en cause l'esprit et les acquis de Mai-juin 68 ?"
Compte rendu de Gilles Pichavant
Les
trois ateliers se sont succédé dans la matinée et au début d’après
midi. Ils visaient à étudier successivement ; L’avant
« mai-juin 1968 » : économie, problèmes et luttes sociales en
Seine-Maritime ; Le quotidien de l’action en mai et juin 68 en
Seine-Maritime ; Les Acquis des Grèves de Mai Juin 1968.

De
gauche à Droite, à la tribune, Jean-Pierre Lannier, Régis Gasse,
Bernard Isaac, Michel Pigenet, Janine Marest, Boris Chaumette, Claude
Mazauric, Albert Perrot et Yannick Marec. – Photo Jacques
Defortescu
1er atelier: L’avant « mai-juin 1968 » :
Une courte introduction de Pierre Largesse, présidant aux débats de l’atelier, brossait le tableau de la période de 23 ans (1945-1968) allant l’immédiat après guerre, avec la longue reconstruction que connût le département, aux premiers conflits sociaux du début d’année 68.
Évidemment il évoquait l’avènement de la 5e République, la guerre d’Algérie et la guerre du Viet-Nam, la grève des mineurs, l’accord CGT-CFDT de 66, la lutte contre les ordonnances, mais aussi la situation des populations ouvrières du département, les modifications socio-économiques marquées par le début du déclin de la construction navale et de l’industrie textile aujourd’hui disparue, et la politique de décentralisation industrielle qui marquera les années 60.
Il montrait que le conflit de mai-juin 68 est un prolongement d’une longue montée de luttes marquées par un refus patronal et gouvernemental de répondre aux revendications.
Neuf intervenants prenaient ensuite la parole pour illustrer ses propos par des exemples différents. On entendra successivement des contributions sur:
2ème atelier : Le quotidien de l’action en mai et juin 68 en Seine-Maritime.
Serge Laloyer présentait une introduction sur le déroulement des événements de mai-juin 68 en Seine Maritime, en partant du 1er mai, puis du 8 mai qui sera marqué par des manifestations en Seine-Maritime, puis le 13 mai. Le déclenchement, le 15 mai, de la grève chez Renault Cléon, deuxième usine en grève de France, et l’extension rapide de la grève à partir du lendemain (37 usines occupées le vendredi 17 mai), l’organisation des occupations, les grandes journées de manifestations qui ont rythmé la période, l’organisation de la solidarité, de l’animation culturelle, les manifestations gaullistes du 30 juin, etc.
Douze intervenants prenaient ensuite la parole pour présenter divers aspects du mouvement :
3ème atelier : Les Acquis des Grèves de Mai Juin 1968
Marius Bastide présentait une longue introduction sur les acquis des grèves de Mai-juin 68 ;

Monique Rolland-Simion
Monique Rolland-Simion, professeure à l’université de Mont-Saint-Aignan, présentait une importante contribution sur les acquis de mai-juin 68 pour les comités d’entreprise ;
Cinq intervenants développaient des aspects des acquis de mai-juin 68 :
Projection du film "Mai 68" des frères Rémy et Michel Wermester
Après une courte pause, le film « Mai 68 », tourné au Havre et à Cléon pendant les grèves de mai-68 par les frères Rémy et Michel Wermester, est projeté après une présentation par Agnès Deleforge, chargée des collections de la Mémoire Audiovisuelle au Pôle Image Haute-Normandie. Celle-ci attire l’attention sur l’importance de préserver et de documenter les films amateurs de toute nature. A l’issue de la projection un court débat a lieu avec les participants au colloque, madame Deleforge et Michel Wermester, le cinéaste.
4ème partie: Table ronde
Pour clore le colloque une table ronde est organisée, sous la présidence de Michel Pigenet, professeur d’histoire contemporaine, La Sorbonne, Paris 1, et dont l’animation a été confiée à Michel Schiedt, journaliste à la NVO-EspaCE élus.
Michel Pigenet présentera une introduction montrant que 1968 n’est pas un objet froid. Les enjeux autour des mémoires, sont des enjeux en rapport avec le présent. Selon le regard et les images que l’on présente de mai 68, les conclusions ne sont pas les mêmes : une dimension hédoniste, une dimension populiste, qui occultent le mouvement de transformation sociale, pour l’égalité, alternative à l’ordre social. Mai-juin 68 n’a pas été un courant unanime, une déferlante. Il y a eu des résistances, sur le moment même. Il y a eu des réactions et des contradictions, clivages entre intellectuels et manuels, entre les femmes et les hommes qui ont joué dans le déroulement des grèves et des formes. Il évoque les comparaisons entre 36 et 68 : une grève avec occupations renvoit à 1936. Chez les militants, il y a un modèle 1936. Dans les issues, 1936 c’est aussi une référence. C’est là que 1968 se distingue de 36. Il n’y a pas un pouvoir ami, cela change tout quant à l’issue, quant aux perspectives. Michel Pigenet propose donc de comparer 1968 à 1947, à 1953, à 1995, pour apprécier mieux le moment 68. Indéniablement le curseur dans le rapport de forces social et politique a bougé : 1968 ouvre la voie à la décennie suivante, période de succès, de gains, d’avancées qui éclairent 1968.

Claude Mazauric et Albert Perrot
Claude Mazauric, fera un développement sur la configuration de l’année 68, moment de rébellion dans l’ensemble de la planète (USA, Allemagne Italie, Belgique, Asie, Japon, Bloc socialiste, Tchécoslovaquie, etc.), et son prolongement dans l’année 69. Dans un contexte d’affrontement Est-Ouest, avec la guerre du Vietnam. Derrière cet affrontement global que de divisions dans chaque camp ! Cette division a sa traduction nationale. Dans cette situation de divisions il propose l’idée que, pour le pouvoir, l’inertie était la clé du succès et que De Gaulle, en grand stratège saura utiliser.
Albert Perrot, militant chez Dresser en 1968, montrera que tout ce qui a été gagné en 68 l’a été par la lutte, grâce à cette forme si particulière: L’occupation
Bernard Isaac, ancien secrétaire de l’UD CGT 76 et Jean-Pierre Lannier, responsable de l’UNEF à Rouen en 1968 témoigneront ensuite de la situation locale, l’un dans le monde du travail, l’autre dans le monde étudiant.
Yannick Marec fera un développement sur l’attaque contre la Sécurité sociale, menée par le pouvoir gaulliste, et la lutte pour la défense.
Boris Chaumette, responsable étudiant actuel, et Régis Gasse feront part de ce qui reste de mai-68 dans les mouvements d’aujourd’hui, tant au niveau étudiants que salariés, ce que complètera Janine Marest au nom de l’IHS-CGT National .
Michel Pigenet conclura le colloque en montrant en quoi 68 nous parle aujourd’hui, dans le cadre de la mondialisation. Il montrera en quoi Mai-68 est un événement qui compte, par sa radicalité critique et par sa lutte pour l’émancipation et contre la domination.
Ce colloque a été enregistré.
Il a donné lieu à la publication des actes
du colloque par l’IHS-CGT-76. dans le cadre d'un numéro spécial du Fil Rouge, paru
en septembre 2009.