Ecrire au fil rouge

Numéro 4

Mai 68

Une journée pas comme les autres !

Par Serge Laloyer

 

1968: la grève est totale depuis deux semaines, dix millions de grévistes, des milliers d’entreprises occupées par les salariés, en Seine Maritime 250 000 grévistes.

De Gaulle, son gouvernement et le CNPF tentent de s’en sortir au moins cher possible. Le 29 mai De Gaulle parle à la radio et appelle ses partisans à la riposte. Il propose un référendum.

Devant la détermination des grévistes, le projet est abandonné.

Le 31 mai, les organisations gaullistes et de droite, décident de manifestations dans les grandes villes.

A Rouen, le même jour, dans la matinée, la CGT, la CFDT, et la Fen, rassemblent 20000 manifestants à Rouen, pour exiger l’ouverture de véritables négociations sur les revendications.

Dans la journée, on apprend que les organisations gaullistes ont décidé d’appeler à une manifestation en fin d’après-midi. Cette manifestation se donne pour objectif de déloger les étudiants qui occupent l’université et le cirque de Rouen.

Tout en appelant à renforcer l’occupation des usines, l’Union Départementale CGT appelle les travailleurs à protéger dès l'après-midi, le siège des syndicats, rue du Renard et à empêcher les manifestants de droite de se rendre sur le campus de Mt St Aignan.

Les militants présents à l’Union Départementale vont travailler à mettre en place un dispositif visant à bloquer les accès au pâté de maisons qui entoure les locaux de la CGT. Tous les militants présents sur place sont mobilisés, et notamment les militants chargés du “comité de survie de l'agglomération rouennaise” qui travaille

en permanence pour assurer l’approvisionnement de la population. C’est lui qui, en relation avec les entreprises occupées, et en accord avec la préfecture, est notamment chargé de distribuer l’essence rationnée. Mais il y a aussi là des travailleurs en grève qui, comme il en arrive chaque jour, sont venus à la CGT pour apporter des bulletins d’adhésion par centaines et demander de l’aide pour constituer leur propre syndicat.

Très vite un puissant cordon de travailleurs qui se renforce de minute en minute de délégations d’entreprises en grève, 3000 à 4000 selon la presse, fait face place Cauchoise et rue du Renard à la manifestation de droite.

En tête de la manifestation de droite, près de 8000 manifestants hostiles aux grèves, les organisations gaullistes ont placé des anciens combattants, médailles sur la poitrine: est-ce pour qu’ils soient les premières victimes de l’affrontement qui semble inévitable? Derrière les manifestants de droite chantent leurs slogans hostiles: “les cocos à Moscou”, “Liberté du travail”, “la chienlit ça suffit”, etc. Tout près les C.R.S. sont prêts à intervenir.

La manifestation arrive place Cauchoise, et se trouve bloquée par la contre-manifestation.

Entre le cordon de manifestants ouvriers et l’avant garde des anciens combattants, une voiture mercédès décorée de drapeaux bleu-blanc-rouge se met à décrire des cercles. Elle s’approche régulièrement dangereusement du cordon du service d’ordre de la CGT constitué de militants qui se tiennent fermement par le bras. Derrière eux ça pousse fort. Tous les manifestants n’ont pas compris que c’est une provocation à laquelle il ne faut surtout pas répondre. Certains veulent en découdre.

Mais, la détermination des responsables de la C.G.T qui multiplient les appels au calme aux manifestants grévistes, le calme, la discipline et la détermination du service d’ordre, permettent d’éviter l’incident sans doute souhaité par certains gaullistes.

Ceux-ci sont bientôt obligés de renoncer à leurs objectifs. La manifestation s’éloigne de la place Cauchoise.

C’est terminé, les travailleurs retournent renforcer les piquets de grève, plus déterminés que jamais à obtenir la satisfaction de leurs revendications.

site de l'IHS CGT 76e