Au début des années 1980, Georges Frischmann, dans son cours sur l’histoire du syndicalisme postier et du syndicalisme en général, expliquait que l’État avait utilisé la loi 1901 sur les associations pour combattre le syndicalisme au début du 20e siècle. Il faudra d’ailleurs attendre 1925 pour que les fonctionnaires arrachent le droit syndical.
Par exemple pendant 25 ans il exista une Association générale des sous-agents (les facteurs), organisation « jaune » soutenue par l’administration, pour faire pièce au Syndicat national des sous-agents créé en 1905 martyrisé par des révocations à répétition. Les militants de l’Association générale des sous-agents bénéficiaient de congés particuliers pour se rendre à leur congrès annuel dans lequel ministres députés de la majorité, fonctionnaires de la haute administration étaient invités à venir défendre le point de vue patronal.
À écouter la radio et la télévision, à suivre des réseaux sociaux, j’ai l’impression qu’on vit un retour en arrière en ce domaine : ONG, associations spécialisées, « collectifs », lanceur d’alertes, etc., voilà ce qui est mis en avant, pendant que les syndicats sont relégués au second plan. C’est eux qu’on invite en priorité sur les médias. Parfois même on invite des pseudos spécialistes qui n’y connaissent rien. Parfois des associations très périphériques que l’on souhaite mettre en avant.
Et si on finit par parler des syndicats c’est lorsque la situation est devenue désespérée et quasi irrécupérable : fermeture d’entreprises, délocalisations, licenciements abusifs, etc. Le syndicat apparait alors comme une organisation qui annonce l’échec et ne gagne rien. Oubliées les grandes avancées sociales de 1936, de la Libération, ou de mai-juin 1968.
S’ajoute à cela que le mot « revendication » est banni du vocabulaire ; souvent remplacé par le mot « grogne » ou « colère ». Et si l’on condescend à parler syndicat, c’est pour n’évoquer que sa dimension juridique ou judiciaire. Il s’agit globalement de discréditer le syndicalisme, ou de le confiner à l’échec, et d’écarter le salarié de la nécessité de s’organiser pour sa défense collective. C’est une méthode systématique.
En quelque sorte, cette première moitié du 21e siècle est une copie en ce domaine de la période du 1er quart du 20e.
(Georges Frischmann fut le secrétaire général de la « Fédération postale » CGT de 1950 à 1979)