Numéro 32
40e anniversaire de Mai-juin 68 en Seine-Maritime
Par Gilles Pichavant
En déclarant comme l’a fait pendant la campagne électorale de 2007 le candidat Sarkozy qu’il fallait balayer l’esprit et les acquis de mai 68, en instrumentalisant l’histoire autour de Jaurès, Guy Moquet, Léon Blum ou Maurice Thorez, Sarkozy a mis en évidence que l’histoire est un enjeu considérable.
Benoît
Frachon, ancien secrétaire général de la CGT, qui a participé aux
négociations de 1936 et à celles de 1968, disait que : "le passé n’a d’intérêt
pour nous que par rapport aux enseignements qu’il recèle pour le
présent et pour l’avenir".
Dans son dernier livre "Résister, de Mathausen à mai 68", Georges Séguy ajoute aux propos déjà mentionnés de Benoît Frachon : "Les enseignements du passé concernent aussi bien les expériences positives méritoires que les défauts, les erreurs ou les fautes".
C'est l'évidence ! Travailler à l’histoire n’est absolument pas un "truc" d’ancien combattant. Cela ne s’apparente absolument pas à un échange d’anecdotes autour d’un apéritif convivial.
L'essentiel, le fondamental, c’est Jean Jaurès qui le résumait le mieux : « Un peuple sans mémoire un peuple d’esclave ». Telle est la question.
Que dire d’un mouvement syndical et plus largement du mouvement social qui ne s’intéresserait pas à l’histoire, à son histoire, à l’histoire de ses succès et de ses échecs ? Ils seraient en situation de reproduire les mêmes erreurs.
L’institut CGT d’Histoire Sociale de Seine-Maritime s'est donc impliqué fortement dans la célébration du 40e anniversaire de mai-juin 1968.
Publication du livre: "Mai-juin 68, un printemps de
luttes sociales qui ont changé la vie"
Il a tout d'abord publié un ouvrage sur l’histoire du mouvement de Mai-Juin 68 dans notre département. Cet ouvrage a connu un très grand succès de diffusion, puisque, après en avoir édité initialement 3300 exemplaire, nous avons été amenés à en rééditer 2000, au bout de 3 semaines, pour faire face à la demande.
En quelques semaines, nous avons organisé, autour de la célébration de Mai-juin 68, plus de trente initiatives spécifiques, sans compter ce qu’ont fait par dizaines syndicats ou C.E. de notre département: conférences, expositions, débats, initiatives diverses.
Nous avons organisé
un colloque qui a réuni près de 150 personnes (voir
pages précédentes).

Colloque sur Mai-juin 68 en Seine-Maritime
Une couverture médiatique sans précédent
Mais le fait le plus marquant est bien que nous avons bénéficié d’une couverture médiatique sans précédent : Nous sommes passés à la radio et à la télévision. Nous avons eu une couverture de la presse absolument considérable, allant de très nombreux articles dans Paris Normandie, édition régionale, comme éditions locales, jusqu’aux plus petits bi-hebdomadaires et hebdomadaires locaux, distribués au fin fond du Pays de Caux et du Pays de Bray.
Ainsi
nous avons, sur cette question, contribué à damer le pion aux velléités
du patronat et du Président de la République, de liquider 68, en
montrant que le mouvement de mai-jui 1968, était loin d'être seulement
les étudiants de Paris et les barricades, sur lesquels étaient braqués
micros et caméras, mais ce furent aussi et surtout les grèves, la plus
grande grève de l'histoire de France qui a permis la satisfaction de
revendications comme l’augmentation du SMIG, les premières réductions
du temps de travail depuis la libération, la reconnaissance du droit
syndical à l’entreprise, etc. et engagé un processus de réformes
favorables au monde du travail (voir la liste des acquis de la décennie
suivante dans notre ouvrage "Mai-juin 68, un printemps de luttes qui
ont changé la vie".

Srge laloyer, secrétaire adjoint de l'IHS-CGT-76
à la télévision régionale
L'importance de la force de frappe syndicale
de la CGT en 1968: 70 000 adhérents en Seine-Maritime !
Ce
mouvement n’est pas arrivé dans un désert revendicatif ; il a été
permis par l’existence et la force d’une organisation syndicale, la
CGT, sans laquelle mai juin 68 n’aurait pas eu les effets durables
qu’il a connus sur le monde du travail.
En effet, en mai juin 68, la CGT avait 70 000 adhérents en Seine-Maritime avant le conflit, soit plus de 3 fois ses effectifs actuels !
Mais ses militants considéraient cette force comme insuffisante! La CGT réalisera donc 15000 adhésions dans cette courte période.
La
vérité est que la CGT était une organisations beaucoup plus puissante
qu’elle n'est aujourd’hui.
Elle bénéficiait, de plus, de la lecture par des milliers de salariés de notre département, de son journal hebdomadaire: la Vie Ouvrière. Avec la Vie Ouvrière. la CGT disposait d’un puissant outil médiatique pour contrebalancer la propagande patronale à une époque où l'écrit avait encore une place essentielle, malgré la force de la radio — le transistor —, et où la télévision était encore loin d'être le média de masse qu'elle est aujourd'hui..
Enfin la CGT disposait de bases syndicales puissantes qui diffusaient très régulièrement des informations sous forme de tracts, habitude que de trop nombreux syndicats on aujourd’hui perdu.
La différence entre 1936 et 1968 :
l'émiettement syndical.
Mais
en mai juin 68, la situation syndicale n'est plus celle de 1936. La CGT
n'est plus le syndicat unique autour duquel toute l'action
revendicative se construit.
Force
Ouvrière issue de la scission de 1947, combat la CGT avec acharnement.
La
CFDT, issue d'une scission dans la CFTC en 1962, travaille à se
développer en s'appuyant sur la déconfessionnalisation et le pacte
d'unité d'action avec la CGT.
La division syndicale pèsera tout au long du mouvement — c'est sans doute un des enseignements essentiels de mai juin 68 — et empêchera d'engranger plus d'acquis.
A
notre époque marquée par l'émiettement immense du mouvement syndical
que nous connaissons, la période de Mai-juin 68 est donc riche
d'enseignements, en particulier l'intérêt de regarder la manière avec
laquelle la CGT va conduire l'action:
Loin de la vision folklorique que nous en donnent les médias, loin de la caricature qu'en font Nicolas Sarkozy et ses amis, loin d'être responsable des maux d'aujourd'hui, mais au contraire source de progrès et forge de l'avenir, mai juin 68 devait être défendu. Nous y avons contribué.
Au sortir de ce 40e anniversaire, on peut dire que notre institut a bien joué le rôle pour lequel il a été créé: travailler à "La contribution à l’information et à la formation des militants syndicaux, des travailleurs, des étudiants et de toutes organisations intéressées à l’histoire sociale".
Nous
vous en remercions de nous y avoir aidé.

Coupure de presse provenant du Courrier
Cauchois, édition d'Yvetot
Petit aperçu de nos activités en ce printemps 2008