1917 : l’abdication du tsar fait les unes françaises

La nouvelle de la fin du régime tsariste, tombée en pleine Première guerre mondiale, suscite en France des réactions contrastées.

Le 15 mars 1917, sous la pression de l’état-major, le tsar de Russie Nicolas II est contraint d’abdiquer en faveur de son jeune frère, le grand-duc Michel, qui refuse presque aussitôt la couronne. Après les grèves et les manifestations ouvrières de février (début mars dans notre calendrier julien) et le ralliement d’une partie de la garnison de Petrograd aux manifestants, l’événement marque la fin de l’Empire et la victoire de la révolution.

Lu sur Retronews

La nouvelle voyage rapidement jusqu’en France, et dès le 17 mars, elle fait la une de tous les journaux. Les réactions sont variables. L’Humanité, par exemple, titre joyeusement « La Révolution triomphe en Russie« . Le quotidien insiste sur l’espoir politique soulevé par les récents événements, dans lequel il voit l’aboutissement d’un idéal longuement mûri :

« Les socialistes français saluent avec enthousiasme la révolution russe. Comme la Révolution française, elle est l’œuvre du Peuple, du Parlement et de l’Armée. En prenant résolument sa place parmi les grandes assemblées parlementaires, en renversant l’ancien régime, en libérant les prisonniers politiques, la Douma a réalisé l’unité de la nation russe pour sa défense. Elle a remis aux mains du peuple les destins du pays. »

Le Journal, dans un article intitulé « La Russie libérée »salue lui aussi la révolte populaire :

« Salut à la Russie nouvelle ! Salut au peuple russe, maître de ses destinées, conscient de son rôle et de ses devoirs. »

De son côté, Arthur Meyer, le directeur du journal conservateur Le Gaulois, ne cache pas son scepticisme. Et rend un hommage appuyé au tsar déchu, dont il rappelle le surnom de « rempart de l’Entente » :

« La chute d’un tel monarque a d’autant plus un caractère shakespearien qu’hier encore il était sur les cimes de la grandeur humaine. Ceux qui planent à de telles hauteurs, nos regards ont peine à les y découvrir ; il nous semble qu’ils n’en devraient jamais tomber. »

L’Action française compare quant à elle les événements de Russie avec ceux de 1830 en France, et veut y voir l’espoir d’un renouveau nationaliste :

« Il faut que la rénovation russe ne devienne pas ce que, jusqu’ici, elle ne veut pas être : une révolution. Il faut que le nationalisme, qui l’inspire, la règle aussi. La Russie veut la victoire que n’avait pas su lui donner l’administration bureaucratique. Qu’elle se souvienne que ce n’est pas le désordre qui la lui apportera. »

Car au-delà du changement politique, c’est surtout le rôle que va désormais jouer l’allié russe dans la guerre qui intéresse la presse française. Autrement dit, la Russie va-t-elle continuer la guerre aux côtés de la France et de l’Empire britannique ? Ainsi Le Figaro, qui refuse prudemment de se prononcer sur la nature politique de l’abdication mais parle de « graves événements« , pose-t-il explicitement la question :

« La révolution russe nous apporte-t-elle ou nous retire-t-elle des éléments de victoire ? Nous n’avons pas actuellement d’autre angoisse à avoir, d’autre question à nous poser. […] Tous les Français doivent souhaiter cette cohésion, qui contient, pour la Russie, la fin victorieuse de la guerre. »

Dans les mois qui suivent l’abdication de Nicolas II, le gouvernement provisoire va poursuivre la guerre. La révolution d’Octobre et la prise de pouvoir par les bolcheviks, en revanche, mettront fin aux hostilités avec l’Allemagne, un armistice étant signé le 15 décembre, puis, après la reprise des combats, un traité de paix séparée le 3 mars 1918.