La tour au Crabe de Dieppe et sa chaîne

Navires croisés brisant la chaine d’entrée du porte de Damiette en Égypte, lors de la 5e croisade (toile de Cornelis Claesz van Wieringen).

Le terme Crabe, dans l’appellation de Tour aux Crabes à Dieppe interroge: s’agit-il des crabes qui, comme les guides locaux le prétendent auraient été pêchés au pied d’elle depuis des tempos immémoriaux? Ou s’agit-il plutôt d’un terme technique désignant une machine, le crabe, servant à lever ou baisser une chaîne interdisant l’entrée du port, au moyen-âge?

À l’évidence cette deuxième explication semble plausible, si l’on se souvient que Dieppe était à l’époque le principal port de guerre de la Manche. Voici ce qu’en dit ChatGPT

Interrogeant le nouvel outil ChatGPT sur le terme « Crabe » en mécanique, voici la question et sa réponse :

Question : « Je souhaiterai plus de précisions sur le « crabe » dans le domaine de la mécanique »

Réponse de ChatGPT : « Dans le domaine de la mécanique, un crabe est une machine utilisée pour déplacer des objets lourds ou encombrants tels que des conteneurs, des grues, des engins de levage, etc. Il est généralement utilisé dans les ports, les docks et les chantiers navals pour déplacer des charges de façon sûre et contrôlée.

Un crabe est généralement formé d’une structure métallique robuste, d’un ou plusieurs treuils pour soulever des charges, et d’un système de roues ou de patins pour se déplacer. Il peut être actionné manuellement ou à l’aide d’un moteur électrique ou diesel. Les différentes pièces du crabe peuvent être conçues pour se déplacer horizontalement, verticalement ou dans les deux directions.

Les crabes sont souvent utilisés en conjonction avec d’autres équipements de levage, tels que des grues, des treuils et des élingues, pour déplacer des charges plus lourdes ou plus volumineuses. Leur utilisation peut nécessiter la présence d’opérateurs qualifiés et formés pour assurer la sécurité des personnes et des charges. »

La grue ou la chèvre, devient le crabe

En effet, au Moyen âge, une chaine bloquait l’entrée de tous les ports, pour interdire ou libérer la navigation. Pour la manœuvrer il fallait une machine, grue, cabestan, etc., installée dans un ouvrage défensif, généralement une tour.

Le crabe pourrait bien être le noms donné à la machine servant à cet effet. 

Une grue peut s’appeler chèvre, du latin Capra (ae) f. caper, chèvre (dict. Latin-Français F. Gafio). C’est une grue rudimentaire, un dispositif propre à élever des fardeaux, des poutres ou sur lequel on appuie quelque chose. → voir grue d’atelier.

Au Moyen Âge, deux types de chèvre se côtoient (voir : passerelles de levage, BNF).

  • La chèvre à trois pieds (appelé aussi cabre) est constituée de deux longues poutres dressées en oblique et fixées entre elles à leur sommet, soutenues par une troisième pièce de bois, dénommée « pied ».
  • La chèvre à haubans : le système comprend deux « hanches » reliées à leur sommet et tendues par des haubans (câbles tendus de part et d’autre) afin d’empêcher l’ensemble de s’effondrer. Lorsqu’elles sont disposées dans les parties hautes de la construction, les deux pièces de bois peuvent être reliées entre elles par des barres horizontales en bois, les étrésillons, qui consolident l’assemblage. Car la chèvre doit alors être disposée en position légèrement inclinée pour éviter le frottement des cordes de traction contre les murs de la construction.

De « chèvre » ou « cabre », à « crabe » (glissement linguistique): par métathèse (voir Wikipedia) c’est-à-dire altération d’un mot ou d’un groupe de mots par déplacement, interversion d’un phonème, d’une syllabe, le R peut changer de place à l’intérieur des mots : d’où capra(m)>craba [‘kraB´] (= chèvre), et chèvre devient crabe. [Ex : Formage/Fromage, Novembre/November]

Chèvre, s. f. Crane, Cab. « Machine mobile qui est d’un grand usage dans les ports et arsenaux pour soulever divers fardeaux : elle est composée de trois montants qui forment les pieds ; deux sont joints solidement ensembles, l’autre sert de support au premier ; au sommet est un palan, et en bas se trouve un treuil ou vivevau. À bord [d’un navire], on appelle chèvre une installation analogue de trois mâtereaux réunis à leur tête et servant à soulever des fardeaux au moyen de poulies et cordages et même en employant  l’aide de vivevaux, treuils et cabestans. » — Dictionnaire de la marine à voile, de Bonnefous et Paris, 1856.

A l’entrée d’un port était une tour équipée d’un guindeau ou cabestan, ou initialement peut-être d’une chèvre (ou crabe ?), pour faire monter ou descendre une chaine pour interdire ou libérer l’accès du port.

Tours à chaînes médiévales: Une forme de défense portuaire où une chaîne est étendue à travers l’entrée d’un port ou d’une rivière pour empêcher l’accès des navires. Le mécanisme abritant la chaîne et permettant sa montée et sa descente était logé dans une tour défensive, souvent un fort d’artillerie à part entière. La fonction principale de ces chaînes peut en fait avoir été de contrôler le commerce et d’assurer la perception des péages. »

La Tour aux crabes est située à l’entrée du port de Dieppe où l’on aurait installé un dispositif de blocage de l’entrée du port équipé d’une chaîne. comme de nombreux port à l’époque : ici celui de Doyle en Irlande.

(Estacade bloquant le fleuve Doyle durant le siège de siège de Derry (Londonderry) (wikipedia)

Chaine (obstacle à la navigation) (Wikipedia):

L’estacade flotte en général à la surface de l’eau, tandis que la chaîne peut se trouver à la surface de l’eau ou sous cette dernière. On pouvait faire flotter la chaîne à l’aide de radeaux, de grumes, de navires ou d’autres bois, qui transformaient ainsi la chaîne en estacade.

Surtout dans les temps médiévaux, l’extrémité de la chaîne pouvait être fixée à une tour. Cela permettait de soulever la chaîne ou de l’abaisser sans danger, car la tour était souvent lourdement fortifiée1. En soulevant et abaissant la chaîne ou l’estacade, on pouvait accorder l’accès sélectivement plutôt que de rendre un plan d’eau tout à fait inaccessible. L’élévation et l’abaissement de la chaîne pouvaient être réalisés à l’aide d’un guindeau ou d’un cabestan3.

Les chaînes et les estacades pouvaient être brisées par un navire suffisamment gros ou lourd ou être démantelées, ce qui arriva à maintes occasions, notamment lors du siège de Damiette, du raid sur la Medway et de la bataille navale de Vigo4,5,6,7. Cependant, il arriva souvent que les attaquants s’emparèrent des défenses et coupèrent la chaîne ou l’estacade par des méthodes plus classiques. Lors du siège de Londonderry, par exemple, l’estacade fut coupée par des marins qui s’en étaient approchés dans une chaloupe.

Élément clé des défenses, les estacades étaient d’ordinaire fortement défendues par des tours, des batteries ou des forts riverains. Pendant l’ère de la voile, l’estacade qui protégeait un port pouvait être défendue par plusieurs bâtiments et leurs canons de bordée. Dans certaines occasions, plusieurs estacades pouvaient barrer un plan d’eau.

Voir en anglais : Site type in the gatehouse listing : http://www.gatehouse-gazetteer.info/key.html

Proximité linguistique : Grabber machine, machine à pince qui permet d’attraper une peluche.